Quand mon capitaine de mari à fêté ses 40 ans à terre en Alsace, l’été passé, je lui ai promis, un peu sur un coup de tête bien sur, que je lui offrirai des cours de salsa à Cuba…Je m’étais imaginé déambuler dans les rues de la capitale, m’asseoir avec ma famille à la terrasse d’un café et alors un groupe de musique arriverait. Nous nous serions mis à danser et une vieille mama cubaine, nous observant la larme à l’oeil et surtout morte de rire par notre manque de savoir faire et nos pas maladroits, nous aurait proposer de nous apprendre la salsa… Oui oui je sais je suis une grande rêveuse… Enfin, disons que j’espérais surtout ne pas devoir payer un cours sur cher pour touristes dans un endroit tout sauf local et de finir par danser avec un gros hollandais ou n’importe qui d’autre sauf mon mari chéri afin d’apprendre à bouger le popotin au rythme de la musique. Tout ça en nous demandant ou mettre nos trois chérubins le temps du cours.

 

M’enfin, j’ai cette foi naïve que dans la vie tout peut arriver et surtout les choses qui nous sont spécialement importantes…

 

Un dos, un dos, le pas du bonheur

 

Nous étions arrivés depuis quelques jours à la marina de Punta Gorda près de Santiago, quand nous avons fait la connaissance de Angel à la place de jeu. Cubain d’une trentaine d’année, il a d’abord sympathisé avec des amis navigateurs dont la femme Sille, va donner naissance à son 4ème enfant d’ici deux mois. Ils se lient d’amitié car la femme d’Angel, Dailin enceinte elle aussi est à l’hôpital depuis trois semaines. Nos amis du bateau Yohanna sont émus par l’histoire et le peu de biens que possède cette famille. Angel, a un fils, Tico, de 9 ans d’un précédent mariage qu’il ne voit que rarement car le trajet coûte cher pour aller lui rendre visite…Une petite fille de 1 an et demi, Mia et un petit garçon qui devrait naître le jour de l’anniversaire d’Amos. Sa maison que nous découvrirons quelques jours plus tard doit bien faire un quart de la surface de notre bateau. Un lit pour la petite Mia, un lit une place pour Dailin et lui, et maintenant qu’elle est enceinte, il dort par terre. Une cuisine qui doit faire moins d’un mètre carré, et un tout petit coin toilette. L’eau n’est pas courante dans la maison, mais dehors, dans la cour il y a un robinet.

 

La maison de Maira ou la casa de baile

 

La maison d’Angel

 

Sille fait les présentations et nous nous lions d’amitié. Il devient rapidement une évidence pour nous que cette famille n’a vraiment que le strict minimum pour vivre et que Angel qui a perdu son travail à l’usine depuis quelques mois, ne sait plus trop quoi faire pour subvenir aux besoins de sa famille. C’est un homme simple qui au fil des discussions ne se permet jamais de nous demander de l’aide. Il décrit humblement son quotidien sans exagération, sans se plaindre.

Nous sommes émus par son histoire, tout en nous rendant compte que des Cubains comme lui il y en a de par toute l’île.

 

Mia, la fille de Angel

 

Quand les parents dansent, les enfants jouent

Avec les enfants nous avions décidé de faire cette année un calendrier de l’avent à l’envers. Au lieu de recevoir chaque jour de décembre précédent Noël un cadeau, nous avons préparé un grand sac et les enfants, à tour de rôle ont donné un jouet, un doudou ou quelque chose qui leur était cher, dans le but de le distribuer aux plus démunis. L’idée leur a bien plu, au point ou Amos a simplement posé la question si au jour de Noël ils allaient donner ou recevoir un cadeau et que les filles essayaient de nous convaincre de donner les trois quart de nos possessions… !

 

Noa, Lisbel et Adi

Nous avions pensé que nous distribuerions ces présents au fil de nos rencontre à travers Cuba, mais cette rencontre avec Angel nous a tellement touchée que nous nous sommes dit que nous préférions aider un peu plus une personne avec qui nous tisserions des liens et malheureusement un peu moins toutes les autres qui en auront tout aussi besoin….

 

 

 

Donner des cadeaux est un chose, mais ce dont Angel avait vraiment besoin c’était un travail. Un travail qui le revaloriserait face à son épouse et sa belle famille avec qui ils vivent. Et surtout une occupation qui lui amènerait de l’argent.

 

 

Dailin et Mia et nos filles

Il faut comprendre qu à Cuba il y a deux monnaies différentes. Les CUC pour les touriste et les pesos cubain qui sont la monnaie nationale pour les Cubains. Quand un touriste prend le bus il va payer un CUC et un Cubain un peso sachant qu’un CUC vaut 25 peso….

Le salaire mensuel que Angel gagnait à l’usine était de 10 CUC par mois, le prix que nous payons pour un aller simple à la ville de Santiago. Un moyen assez efficace donc pour les Cubains de gagner un peu plus de sous est de faire du business avec les touristes qui payent en CUC …

 

 

Alors que les enfants jouaient comme des fous à la place de jeux et que Angel m’expliquait qu’il espérait vraiment que Dialin sorte rapidement de l’hôpital, une idée m’est soudainement venue… Peut-être que nous pourrions faire d’une pierre deux coups en le convaincant de nous donner des cours de salsa. Ca me permettrait de réaliser mon rêve (oui oui comme le dit placidement Matan, c’est bien sur SON cadeau, mais MON rêve) de danser avec mon capitaine de mari tout en assurant à Angel un revenu provisoire gagné par son travail et non par une quelconque charité… Et surtout un travail payé en CUC….

 

Ragnar et Théa de Kattami

 

Il a été tout de suite emballé par la proposition et le temps de convaincre nos amis Ragnar et Théa du catamaran Kattami, rendez-vous à été pris chez Angel pour le surlendemain pour notre premier cours de salsa.

La maison de Angel étant trop petite il a été décidé que nous danserions dans la pièce à vivre de Maïra, maman de Dailin. La pièce à vivre est apposée à deux chambres. Celle de Maira et celle de son fils Juan et de sa femme Lisbi ainsi que de leur fille Lisbel de presque 5 ans. Lisbi est elle aussi enceinte bien que de seulement 4 mois… La mini maisonette dAngel et Dailin fait mur commun avec la pièce à vivre mais ils ont une entrée séparée.

 

 

Les prémisses d’un bon repas

 

Imaginez arriver dans une petite cour ressemblant à un corridor de deux mètres de large, ou les poules se pourchassent, le chat se prélasse, les cochons grognent dans leur porcherie de 3 mètres carrés et Mia et Lisbel les enfants de Angel de Dialin, Juan et Lisbi, rient aux éclats. Les murs sont décrépis, la terre est mouillée car de l’eau coule sans arrêt d’un tuyau qu’on ne peut fermer. La porte s’ouvre sur une pièce sombre, surchauffée, dans laquelle tourne en permanence un vieux ventilateur. Maira, la grand-mère de 44 ans….. est en train de cuisiner, Mia, un an et demi tournicote et Angel, torse et pied nus enclenche la musique …

Un dos, un dos, eso es… les pas s’apprennent et la magie opère. Nous sommes à Cuba, dans la maison d’amis Cubains et nous dansons LA SALSA !

 

 

Un, deux, trois cours plus tard, à raison de deux heures de cours par leçon, nous commençons à comprendre le rythme et les déhanchés de mise. Nous dansons progressivement avec Angel, sa femme, son beau père, son fils, sa belle mère et sa soeur. C’est une vrai aventure familiale qui répond à tous me rêves. Mes genous et mes hanches trinquent, mais nous sommes heureux de ces moments vraiment spéciaux et de l’amitié qui se tisse un peu plus fortement chaque jour avec Angel et sa famille. Dialin est rentrée de l’hôpital et quand je lui demande comment elle va, elle me répond qu’avec autant d’amitié, ça ne peut que aller bien !Si ce n’est pas le meilleur cadeau de Noël ca et bien je ne sais pas ce que ça pourrait être…

 

Les fameux chicharons

 

Matan rentre un jour du marché avec quelques cotelettes de porc et un grand bout de graisse dont nous ne savons vraiment pas quoi faire. Alors que j’en parle à Angel il commence à m’expliquer la technique pour en faire des Chicherons, sensés être délicieux. Nous décidons rapidement de lui confier notre bout de graisse de cochon… et de nous réunir pour en apprendre le mode de cuisson. . Ce repas ne peut pas avoir lieu sur Nomad, car nous n’avons pas le droit de faire monter des Cubains à bord..(ils risqueraient de s’enfuir…).et du coup nous décidons de le faire chez Angel.

 

La sala de baile, momentanément transformée en sala de juego

 

Angel concentré sur sa cuisine

Nous amenons du riz blanc, une salade mélangée et du vin. Angel cuisinera avec nous les fameux chicherons, coupés en morceaux, trempés brièvement dans de l’eau salée et cuit dans une casserole jusqu’à obtenir des morceaux croquants . Ainsi que de la banane verte frite, du riz aux haricots rouges et un pot au feu de porc. Mmmh délicieux ! Et tout ça dans sa toute petite cuisine. Le repas se dégustera assis par terre pour les enfants et à table dans notre sala da baile pour les adultes. Les cours se reprendront avec un estomac bien plein et un sourire ravis sur nos visages !

 

 

Nous parlons de Angel à tous les nouveaux navigateurs qui arrivent dans la baie et alors que nos leçons se terminent il y a déjà deux nouveaux couples qui prennent notre place.

Nous ne savons pas comment la « casa de baile » va survivre, mais une chose est sure, nous y aurons passé un moment inoubliable.

Bon anniversaire mon amour de capitaine de mari Matan que j’aime !